La religion - Tim Willocks
La Religion, Tim Willocks, trad. Benjamin Legrand, Sonatine, 2009.
Malte, 1565. Les Turcs Ottomans de Soliman le Magnifique se lancent au nom d'Allah à la conquête de l'île de Malte. Sur ce bastion de la Chrétienté en Méditerranée, les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dits "les Hospitaliers", dits "la Religion" s'apprêtent, Monsieur de La Valette à leur tête, à encaisser l'assaut. Et à défendre coûte que coûte, au nom du Christ et du Baptiste, cet îlot d'Occident.
Il s'ensuit l'une des plus féroces batailles de l'histoire.
Matthias Tannhauser, un allemand enlevé en son jeune âge par les Turcs, ancien janissaire et trafiquant d'armes et d'opium doublé d'un stratège hors-normes, se trouve entraîné, pour les beaux yeux de deux belles, dans cette furie guerrière et fanatique...
Il a déjà été pas mal dit et écrit sur ce livre (et à juste titre), par exemple (et de brillante façon) par Mona Chollet, du Diplo ou par M. Jean-Marc Laherrère, collègue en polarderies (dont l'incroyable rythme de lecture me laisse toujours baba) et en toulousitude (contrariée dans mon cas).
J'ai, comme tout le monde, été emporté dans ce tourbillon de fureur, de sang, de boue , de merde et de passions, d'horreur et de sublime... L'interminable répétition des récits des effroyables boucheries que furent ces batailles livrées à coups de canons, d'arquebuses, d'épées et de haches donne le tournis, parfois jusqu'à la limite de la nausée.
Mais l'intérêt du roman tient pour beaucoup au personnage de Tannhauser, à la fois héros à la James Bond, redoutable à la bagarre, séducteur, rusé, courageux, chanceux, etc. et pont entre Occident et Orient, qu'il a connus tous deux, dont il connaît les codes et apprécie les grandeurs respectives.
Bien sûr, on sent en filigrane le plaidoyer anti-guerres des civilisations avant l'heure.
Et c'est peut-être ce côté parfois un peu trop moderne des personnages qui m'a, de temps en temps, dérangé. Comme lorsqu'une des dames évoque son "Moi profond" (au XVIème siècle...), ou encore quand se met en place un gentil ménage à trois (en français dans le texte) en pleine Malte sous la coupe peu libertine des Chevaliers bientôt éponymes...
Mais ce ne sont que péchés véniels, largement absous par la grandeur, la beauté et la force du roman.
Ite !