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Du noir mais pas que

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18 janvier 2018

La Soif - Jo Nesbo

Sang pour sang palpitant

("Sang pour sang", il fallait la trouver, celle-là, quel talent !)

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Pour continuer à me distinguer du reste du monde, je vais risquer une affirmation d'une rare audace : Jo Nesbo est assurément l'un des plus grands auteurs de polars actuels. (Paf !)

Dernier épisode en date des aventures de l'increvable et cabossé Harry Hole (un des rares contre-exemples à la formule "ACAB"), le flic couturé de partout, alcoolique abstinent (mais la soif), amateur de bon gros vieux rock et complètement atypique (et très doué).

Alors au début, Harry Hole ne veut plus jamais entendre parler d'enquête criminelle, parce que pour une fois il est heureux, marié à la femme qu'il aime et que fréquenter la mort et le Mal c'est comme bosser dans les égouts : on ramène quoi qu'on fasse odeur et germes à la maison.

Sauf que, évidemment ça ne va pas se passer comme ça, et heureusement, parce que pour aussi sympathique que soit HH, lire sur 300 pages ses recettes de cuisine ou sa routine de gym, bof bof.

Alors pour bouger le presque retiré-des-affaires de sa presque retraite (il est devenu prof vedette à l'école de police), il va falloir rien de moins qu'un siriolkileur catégorie super+ (avec suppléments offerts), le genre qui boit le sang de ses victimes, des femmes trouvées via Tinder et qui voulaient juste s'envoyer en l'air sans complication (et là pour le coup, c'est raté).

Notre HHéros a droit à sa petite taskforce perso composée d'un jeune et beau flic tout juste sorti de la couveuse à flics et très prometteur, et d'un psy (pas l'habituel Aune qui lui aussi se retire des voitures, mais y arrive mieux qu'Harry) qui fut autrefois moqué pour sa thèse sur la perversion vampiriste.

Voilà. Et la soif. De sang, de vengeance, de gloire, de reconnaissance, de bibine, d'amour...

Là je la fais un peu en rigolant, mais c'est comme toujours chez Nesbo : tendu comme le string de Venus Williams. Palpitant comme une artère sur la gorge d'une jeune femme offerte... #balancetonvampire.

 

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3 janvier 2018

Mécaniques du chaos - Daniel Rondeau

Mécaniques du chaos, Daniel Rondeau, Grasset, 2017

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Noël est passé par là, avec son lot de surprises et de découvertes. Dont ce Mécaniques du chaos de Daniel Rondeau, que je ne connaissais pas.

Et que j'ai lu, quand même avec un certain plaisir. Ce roman a l'ambition de parler de notre monde, entre déliquescence lente de l'Occident et irruption du Sud dans la vie de nos petites forteresses égoïstes : vagues de réfugiés fuyant guerres et misère (dont nous sommes pour bonne part comptables), et menace-de-l'islam-radical.

Pour ce faire, Rondeau utilise la technique du roman-mosaïque, multipliant les personnages (un archéologue érudit, des flics de la Sécurité Intérieure, un caïd de banlieue, une réfugié somalienne, un p'tit gars de la téci, une barbouze turque...) et les lieux (Tunisie, Lybie, Malte, Paris, sa banlieue...). Tout ça se croise, se rencontre au gré de hasards pour le moins improbables et d'affinités assez surprenantes. Du coup, tu es trimbalé avec un certain plaisir dans ces univers dont la profonde connaissance par l'auteur (à part peut-être le côté "banlieue") prodigue à la fois dépaysement et découvertes. Le rythme, façon roman d'espionnage, te tient ce qu'il faut en haleine pour tourner les pages jusqu'à la dernière.

Et c'est peut-être là aussi que le bât blesse. Peut-être pour avoir voulu un peu trop faire dans le romanesque, Rondeau abuse de ces hasards pour le moins improbables. Et peut-être aussi un peu des personnages-types. La réfugiée qui réchappe miraculeusement du naufrage est justement témoin d'un trafic louche auquel est mêlé l'archéologue-narrateur, qui connaît justement le flic qui enquête sur les réseaux terroristes justement liés à ce trafic... Le p'tit gars de banlieue, indic par haine des mafias qui pourrissent son quartier devient un grand du slam en deux clics sur Youtube (et la jeune réfugiée est trop fan de lui). L'étudiante un peu pute qui découvre Allah et prend le voile (et la ceinture d'explosifs) en crachant sur ses turpitudes passées etc, etc. Du coup, il faut parfois (souvent) se forcer un peu, y aller de son "ben justement, c'est du roman", pour continuer d'y croire suffisamment pour continuer. Là, c'est un choix à faire, on fait l'effort ou pas.

Par contre, j'ai été franchement déçu par le propos, la "morale de l'histoire", somme toute assez banale et dans l'air du temps : il faut réinvestir les "zones-de-non-droit-qui-se-sont-mises-hors-de-la-République", et avec un bon boulot de flic et quelques citoyens-relais, on te règle en gros le problème.

Alors que d'autres proposent des solutions un peu plus enthousiasmantes à la "crise des banlieues"... ;-)

30 juin 2017

La servante écarlate / The Handmaid's Tale

Une dystopie top

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Comme beaucoup de mes contemporains, je suis assez fan de séries. J'aime que le récit prenne son temps, j'aime qu'un univers se développe dans la durée des saisons, j'aime voir évoluer ses personnages au fil des années...

J'ai découvert récemment The Handmaid's Tale, franchement très bonne, qui m'a donné envie de lire le roman qui l'a inspirée. Double plaisir donc, d'autant plus que la série (à l'écriture de laquelle l'auteure du roman a semble-t-il contribué) s'éloigne sensiblement de l'oeuvre littéraire. A l'intérêt que présente chaque récit s'ajoute celui d'observer et réfléchir à leurs différences.

Publié en 1985, le roman de Margaret Atwood décrit une société dystopique située dans un futur très proche (et très crédible). Dans le monde de la Servante Ecarlate, les Etats-Unis ont implosé suite à une guerre civile dont l'origine première est la chute spectaculaire de la fertilité qui touche apparemment l'ensemble du monde occidental. Comme réaction, peut-être, de la Nature à l'imbécillité destructrice de l'humanité.

Du coup, le ventre des femmes est devenu un enjeu majeur, et à ce petit jeu-là, c'est bien sûr les fanatiques religieux (chrétiens) qui gagnent. Gilead remplace les USA, et c'est une tyrannie théocratique bien serrée (du cul, entre autres). Un Daesh version évangéliste. La joie, quoi. Du patriarcat bien costaud, avec bigoterie à tous les étages. A Gilead, tout se fait "sous Son Oeil", et le moindre caca de pigeon est forcément "un don de Son infinie générosité". Tu saisis l'ambiance. Chacun à sa place, et chacune à la maison : les Epouses aux manettes domestiques, les Marthas à la popotte et à l'entretien général, les Servantes...

Dans ce gentil petit monde, les quelques femmes restées fécondes sont formées à devenir des Servantes de Grands du régime, c'est à dire à se faire violer à chaque ovulation dans le but d'offrir une descendance. Comme on est très chrétien, on s'appuie sur un précédent biblique (pratique, la Bible, tout y est justifié d'une manière ou d'une autre, de la lapidation à l'inceste...) et on fait ça proprement durant la "Cérémonie" rituelle, en présence de Madame (comme ça, c'est pas péché).

La narratrice-héroïne s'appelle June, ou plutôt s'appelait June et s'appelle Defred, puisque son Maître s'appelle Fred. C'est à travers son regard qu'on découvre la riante société Gileadienne, et via quelques analepses des éléments explicatifs de la montée de l'intégrisme religieux : contexte global apocalyptique, prise du pouvoir, premières mesures et finalement mise en place d'un régime totalitaire sans réelle réaction de la part de la population, partagée entre peur et adhésion au nouveau pouvoir.

Car au-delà de la question de l'oppression des femmes, véritable obsession des esprits malades de tous les tarés religieux du monde, le roman explore les questions de l'oppression tout court, de la mécanique de la domination et de celle de la soumission. Et c'est drôlement bien vu. Et assez flippant, parce que finalement c'est tellement réaliste qu'on imagine tout à fait que la même chose se (re)produise un de ces jours par chez nous, peut-être à cause de l'exaspération générale suscitée par l'arrogance réjouie de notre oligarchie libérale-cool... Ainsi, d'aveuglement volontaire en petites lâchetés, de sursauts velléitaires en renoncements, chacun finit par accepter ce qui paraissait encore récemment comme inimaginable.

On voit ainsi l'héroïne développer une relation ambiguë avec son "maître", où soumission, manipulation et attraction trouble ne sont jamais complètement étrangers les uns aux autres.

C'est aussi un récit de résistance, de ces résistances minuscules et sans beaucoup d'espoir, mais qui rendent à celle ou celui qui dit "non", même tout doucement, son humanité et sa dignité. Chez Atwood, contrairement à Orwell, toute espérance n'est pas vaine, et de regard complice en main tendue, la solidarité des rebelles est toujours possible.

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La série éponyme ajoute à l'oeuvre originale des éléments intéressants. Si l'essentiel du récit est centré sur Defred (Elizabeth Moss, excellente), avec voix off, celui-ci décroche de temps en temps pour se focaliser sur des personnages secondaires qui gagnent du coup une certaine épaisseur. C'est aussi l'occasion de développer les origines de Gilead, et de leur donner une couleur plus contemporaine : la question du réchauffement climatique est ainsi évoquée, et d'une façon intéressante. La théocratie gileadienne se pare de vertus écolos, selon cette bonne vieille habitude des tyrannies de présenter une facette progressiste (qu'on songe aux autoroutes nazies). Elle est aussi un peu plus ouverte et optimiste.

La saison 1 s'achève peu ou prou là où le roman se conclut. Une saison 2 est d'ores et déjà attendue, qui si elle est à la hauteur de la première devrait permettre des développements passionnants.

 

20 mai 2017

Station Eleven - Emily St John Mandel

Etre original ou ne pas être

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Alors c'est étrange... Je venais de finir le second tome de U4, série en quatre volumes classée "littérature jeunesse" (qui au passage vaut surtout pour le tome Stéphane, de Vincent Villeminot), qui met en scène une France ravagée par une épidémie mortelle de grippe ne laissant en vie que les ados entre 13 et 18 ans. Et puis je tombe sur Station Eleven, qui se passe dans un futur où 99,9% de la population a été décimée par une épidémie mortelle de grippe. Et COMME PAR HASARD, ça fait quinze jours que je me traîne une saloperie de grippe qui ne veut pas passer... FAUT-IL Y VOIR UN SIGNE ???

Voilà, donc, c'est vrai que le thème du monde-ravagé-par-un-sale-gros-virus-et-comment-on-vit-après, ça a déjà été largement traité par la littérature, la BD, le cinoche... Et plus généralement le post-apocalyptique revient en force depuis un certain temps (Je suis toujours traumatisé par La Route de Cormac Mc Carthy). On se demande bien pourquoi...

Du coup, c'est un peu comme le trileur, on peut chi  pondre un produit standard, sans originalité mais qui marchera pas trop mal, parce qu'on sait qu'il y a toujours une demande de la part de lecteurs qui cherchent surtout à retrouver la même chose d'un livre à l'autre (d'où, peut-être, une certaine mauvaise répution du polar, de la SF, la fantasy). Après tout...

Ou alors, on se distingue par la façon de traiter un topos maintes fois abordé. C'est ce que réussit plutôt bien Emily St John Mandel, que je ne connaissais pas, mais qui a un nom très classe, je trouve.

Son Station Eleven déroule plusieurs fils narratifs autour de plusieurs personnages avant et après la catastrophe. Dans le monde d'avant, on suit un acteur hollywoodien qui ouvre le récit en mourant sur scène en pleine interprétation du Roi Lear, un ex-paparazzi, une ex-femme du premier (auteure d'un roman graphique intitulé Station Eleven, jolie mise en abyme) et un ami de celui-ci, une petite figurante... Dans celui de l'après, c'est toute une troupe de musiciens et de théâtreux itinérants (qui m'ont évoqué la joyeuse bande en roulottes du Molière de Mnouchkine) qui sert de guide au lecteur et joue Shakespeare, inlassablement, dans un univers revenu aux temps pré-industriels et pas encore remis du cataclysme. Tous ces fils se croisent bien entendu d'une façon ou d'une autre, et pas toujours attendue. En résulte une trame assez complexe pour susciter un réel intérêt (en tous cas chez moi, ce qui est déjà pas mal, vu que c'est moi qui te parle, là).

Du coup, par ce choix narratif intéressant, Mandel réussit son coup : on s'attache aux personnages, leurs petits problèmes, leurs mesquineries, les petites trahisons, tout ce théâtre social qui paraît à la fois dérisoire et attachant au regard de l'apocalypse qui vient.

De l'autre côté du moment 0 (on redémarre un nouveau calendrier à partir de la catastrophe), on retrouve les thèmes usuels du genre : comment réorganiser une vie sociale, quels modèles adopter de la communauté égalitaire à la petite tyrannie théocratique. J'ai bien apprécié cependant le choix fait par l'auteure de focaliser son récit sur cette caravane d'artistes, dont le slogan ne manque pas de profondeur, et fera une belle conclusion à ce post : "Survivre ne suffit pas".

19 mai 2017

Seulement les morts - Markus Sakey

Bof bof bof

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Bon, déjà, le titre en Français est naze. C'est drôle d'ailleurs, après Parmi les vivants... Bon, passons. J'imagine qu'il faut trouver un truc accrocheur, comme pour un détachant ou un biscuit d'apéro. Alors évidemment, quant tu balances trois mots et qu'il y a "vivant" ou "mort" dedans, ça doit faire son petit effet.

De Marcus Sakey, j'ai bien aimé sa série Les Brillants, nettement plus intéressante, et dont je parlerai quand j'aurai mis la main sur le troisième et dernier tome.

Parce que là, avec son thriller Seulement les morts, donc, on peut dire que Sakey a utilisé tous les poncifs du thriller pour produire un thriller absolument standard. Alors tu vas me dire : "Oui, mais justement, c'est ce que les lecteurs recherchent, c'est ça qui marche, c'est pas des clichés c'est des archétypes, etc". Peut-être, si on a envie d'être gentil, parce que, je ne sais pas, on connaît le gars et on l'aime bien, ou alors on est de super bonne humeur et on est l'ami du monde entier. Ca m'arrive aussi, mais pas aujourd'hui. Surtout qu'à la fin de son bouquin, le sieur Marcus s'est cru obligé, après l'inévitable déclaration d'amour à son éditeur et sa petite famille chérie, d'y aller de son hommage aux forces de police et à ses "p'tits gars qui risquent leur vie là-bas pour que nous on puisse vivre en paix ici", sans aucune ironie. Donc là, il pousse un peu.

Alors, la recette du thriller-standard-qui-marche-bien, c'est à peu près ça :

- Tu prends un héros auquel le lectorat masculin hétéro voudra s'identifier et avec lequel le lectorat féminin hétéro voudra coucher (un beau blond musclé ex-soldat, par exemple). Tu lui colles un petit traumatisme (une mission qui a foiré en Irak et lui qui culpabilise), une vie qui part un peu en couille (genre : il picole, se tape une nana différente tous les soirs -le pauvre, mais ça n'entame pas ses abdos en tablette de chocolat).
Il a un grand frère et ils sont très proches, tu vois, parce qu'ils ont vécu une enfance difficile qu'ils ont surmontée en se serrant les coudes. Le grand frère, il veut s'engager pour que les choses bougent dans sa communauté, et en plus il a un petit garçon trop attachant (La maman est déjà morte, victime collatérale de la guerre des gangs. Background familial tragique, bam). Jason, le héros (ça doit se dire "Djésonne"), lui, bah, c'est pas pour lui, les responsabilités, il rumine son trauma.

- Elément perturbateur : le grand gentil frère se fait buter par des salauds-méchants, parce qu'il s'apprêtait à balancer des infos sur un gros trafic, un truc qui remonte haut. Au passage, tu introduis le complot des puissants-prêts-à-n'importe-quoi-pour-s'en-foutre-plein-les-poches.

- Du coup, le héros, il est bien obligé d'y aller, et en plus il faut qu'il s'occupe de son neveu-trop-attachant (enfin, pour l'instant il le confie à un autre perso-cliché, j'y viens : c'est peu pratique un mouflet, dans une course-poursuite), et, foi de soldat, il ne va plus se défiler.

- Personnages adjuvants : une fliquette, canon bien entendu (déjà qu'il a perdu son frérot, doit assumer son neveu-trop-attachant, il ne va pas se taper un boudin en plus), mais il va lui falloir tout le bouquin avant de conclure. Et une figure paternelle, ce-bon-vieux-Washington qui se démène pour sortir les gamins des gangs et de la rue, mélange de juste sévérité et de tendresse virile. Evidemment, tu devines dès la première rencontre comment il va finir. Avant ça, c'est lui qui baby-sitte le neveu-trop-attachant pour que le soldat-tonton ait un peu les mains (et les pieds) libres pour botter le cul des salauds-méchants.

- Après grosso modo, c'est tous des salauds et des pourris, avec des coups de théâtre que tu sens venir à des kilomètres (Oh, ce conseiller municipal si propre sur lui, oh, ce généreux mécène...)

- A la fin les gentils gagnent, avec quelques bleus ramassés dans des bastons épiques, des cascades dignes de Bullit, et plein de coups de bol monstrueux et de méchants qui visent très mal.

Alors, tu vas me dire (tu ne peux pas t'en empêcher, décidément) : "T'étais pas obligé de lire jusqu'au bout, si c'est si mauvais, M. On-me-la-fait-pas-à-moi." Et tu auras raison. Mais comme tu l'as dit déjà plus haut, ça marche quand même. Comme le deux-millième thriller que tu te regardes en VF le dimanche soir, avec un héros beau mais traumatisé et une équipière canon avec qui il va lui falloir tout le film pour conclure.

Comme on dit : "pour les amateurs du genre".

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10 mai 2017

La Daronne - Hannelore Cayre

Du bon vieux Noir des familles

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Patience Portefeux (c'est son nom) a 53 ans et n'a pas eu une vie facile. Fille d'un truand à l'ancienne, elle a élevé seule ses deux filles après la mort stupide et tragique de son mari bien-aimé, en trimant comme une mule. Elle est interprète (au noir) pour la police et les tribunaux, parce qu'elle parle arabe. Aujourd'hui, sa mère est en fin de vie dans une maison de retraite qui lui coûte un bras, et la perspective de finir de la même façon ne la réjouit pas plus que ça.

Mais quand on passe ses journées à traduire des écoutes téléphoniques de réseaux de dealers, c'est bien le diable si on ne va pas tomber un jour sur une... opportunité à ne pas rater !

Autant Parmi les vivants (que j'avais à peine reposé sur la table de chevet quand j'ai ouvert La Daronne) était complexe, foisonnant, et superbement écrit, autant là, on retrouve quelque chose de plus classique, mais qui fonctionne très bien. La Daronne est un roman court (moins de 150 pages), à l'écriture simple mais efficace, avec ce qu'il faut quand même d'humour noir et d'ironie bien sentie.

C'est donc avec plaisir qu'on suit les aventures de la Daronne, comme on prend toujours plaisir à voir les petits, les faibles, les négligés (une quinquagénaire rondouillette, par exemple) faire la nique aux salauds et au système.

Un bon petit noir, la vie de ma mère !

 

9 mai 2017

Parmi les vivants - Charlotte Farison

Scotché !

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Je suis tombé un peu par hasard sur ce bouquin. Auteure inconnue, titre pas terrible. Jolie couverture. J'attaque sans trop de conviction. Et là, bam ! D'abord le choc d'une écriture magnifique. Je sais, c'est toujours compliqué de qualifier le "style" d'un auteur (une fois que tu as dit "captivant", "acéré", "au cordeau", etc. tu n'as pas dit grand chose, finalement). Alors, pour que tu sentes un peu de quoi je parle, je vais te citer un petit passage qui dès le début du roman m'a posé là. A me dire : "Ah oui, quand même. La fille sait écrire, putain" (je dis beaucoup de gros mots, et quand je suis touché, encore plus).

Chouffe : "Chaque matin, l'exercice consiste à se réveiller les pieds crispés au bord de l'arrêt cardiaque. Hésiter entre mourir, tant que c'est possible, et se réveiller. Se laisser tomber dans le tout petit abîme entre deux ratés du myocarde. Chaque matin, c'est trop tard, la conscience fauche tout. (...) Chaque matin, je suis vivante".

Voilà, moi quand on me sert des phrases comme ça, je suis comme un boeuf qu'on mène par l'anneau qu'il a dans le museau : je suis, docile.

Le style, donc. Au service d'une intrigue à la complexité déroutante, foutrement tressée pour te balader, mais pas par le chemin le plus court. Ca peut rappeler un peu Le Carré dans ses meilleurs jours.

En fait, tu suis les récits parallèles de deux personnages : Arturo et Shula. Chacun raconté à la première personne.

Arturo, c'est un jeune homme plutôt brillant qui se retrouve embauché dans une super grosse boîte, prestigieuse et tout, de gestion de données informatiques (on est en 2002, on ne dit pas encore "big data" ni "cloud"). De la mémoire, quoi. Et ce n'est pas par hasard, puisque la mémoire, occultée ou non est un des thèmes du livre. Bon, il est embauché, donc, alors qu'il n'est pas spécialement qualifié pour le poste (pas vraiment défini d'ailleurs). Le méga coup de bol... Dont il semble coutumier. Hin, hin... En plus, Arturo, il a un truc bizarre : des flashs de résurgences quasi somnanbuliques d'épisodes de son enfance passée sur une île tropicale. Hin, hin, hiiiiinnnn...

Shula, c'est une jeune femme, genre eurasienne ultra-canon, danseuse et escort, parce qu'il faut bien bouffer. Mais pas franchement neu-neu. (Moi je l'ai imaginée comme la femme de Tyrell Wellick dans Mister Robot). Comme elle est un peu de classe internationale, elle se retrouve pour un job dans une villa de luxe sur la côte d'Azur, à distraire quelques oligarques de la finance et d'autres trucs nauséabonds qui permettent d'être super-riche. Mais ça ne tourne pas vraiment comme ça aurait dû, ça vire même carrément violent, l'histoire. Hin, hin, hiiiiinnn...

A partir de là, tu suis les trajectoires de Shula et d'Arturo, grâce à qui tu navigues dans les eaux mal fréquentées des 1% de winners du monde, et de leur cour immédiate de cadres sup-sup-sup.

Ca mélange donc un peu de thriller corporate, de roman d'espionnage, de peinture limite houellebecquienne du microcosme executive.

Bref, tu ne lâches plus le bouquin jusqu'à la fin, parce qu'il te tient jusqu'au bout le filou. Charlotte Farison, c'est son premier roman, il ne faudra pas me menacer longtemps pour que je me jette sur son prochain.

14 avril 2017

La Rage - Zygmunt Miloszewski

Le plombé polonais

La rage

C'est bien, l'Europe. Pas la machine à fabriquer de la concurrence libre et non faussée que les Européens dégueulent dans un assez bel ensemble d'ailleurs. Non, l'Europe, ce "continent" composé d'une mosaïque de peuples et de cultures. Dont la richesse se traduit entre autres dans le polar. Plus personne (de fréquentable en tous cas) n'ignore les petites (et grosses) pépites du polar nordique (ou sinon, vous en trouverez quelques exemples dans ce blog ou, encore mieux, sur celui de J-M Laharrère : ).

Eh ben il semblerait bien qu'il faille désormais compter sur le polar de l'est. En tous cas, avec Zygmunt Miłoszewski la Pologne tient son Jo Nesbo ou son Indridason.

La Rage est le troisième tome des aventures du procureur Teodor Szacki, et ça m'a donné une furieuse envie de me jeter sur les deux premiers pour les dévorer (tu as noté la métaphore filée, le lien avec le titre : La Rage ? Bien. C'est mon côté prof, ça.)

Parce que Miloszewski te fait du très bon polar, où la tension monte petit à petit pour finir carrément en thriller-haletant-pèdge-teurneur. Parce que ses personnages sont très bons, à commencer par celui du procureur Teodor Szacki, M. Balai-dans-le-cul, shériff implacable et fin limier redouté des malfrats et baladé par ses femmes (sa régulière et sa fille ado) mais qui évite l'archétype con-con du modèle américain grâce à une ironie et un humour froid qui épargne rarement son pays et ses semblables.

Parce que son intrigue est bien emberlificotée comme il faut, pleine de surprises, fausses pistes et coups de théâtre (bon, c'est vrai, parfois son super-génie du mal est peut-être un poil trop super-génie du mal pour qu'on y croie complètement, mais on ne va pas bouder son plaisir pour si peu).

Et parce qu'il nous offre, comme tout bon polar qui se respecte, une vision de son pays, en l'occurrence un regard pour le moins peu complaisant sur une Pologne vue à travers le prisme d'une ville moyenne moche, mal foutue, au climat dégueulasse, et aux dirigeants incompétents. Ce qui lui vaut paraît-il une détestation générale de la part de ses concitoyens...

Alors, quand même, que je te dise un peu de quoi il s'agit.

Ca commence avec la découverte d'un squelette tout propre. Pour Teo (je me permets ce diminutif familier en raison de l'orthographe un peu compliquée pour nous Latins de la langue polonaise) s'occuper de classer ce cas n'est qu'une formalité : il s'agit à tous les coups d'un vieux cadavre de l'époque où la région était allemande, comme il en surgit de loin en loin. Eh ben perdu ! Le mort est tout récent, et du coup son état de squelette tout propre et tout bien rangé ne peut absolument pas être normal... Secondé par un jeune et brillant assistant, son quasi-clone encore plus psychorigide que lui, le proc' mène l'enquête. Et c'est pas piqué des vers, sans mauvais jeu de mots. En gros, il est pas mal question des violences faites aux femmes, des bourreaux ordinaires, de la lâcheté des témoins, bref, tout ce qui ajouté à la boue froide et à la grisaille de l'hiver polonais ne manque pas de te donner envie de te couvrir d'un chapeau de paille et de sortir chanter à tue-tête "Ca fait rire les oiseaux, ça fait chanter les abeilles..."

[S'interroge une fois de plus sur ce plaisir un peu maso qu'il y a à se plonger dans des bouquins qui t'entraînent au profond du noir de l'âme humaine...]

6 avril 2017

Pukhtu - DOA

Le DOA dans l'engrenage d'une mécanique implacable

Pukhtu

 

Allez, paf, on va pas tergiverser : Pukhtu est une oeuvre magistrale. Non seulement tu es incapable de laisser de côté bien longtemps chacun des deux gros pavés qui le composent (une fois pris dans la mécanique éprouvée d'une construction impeccable : sens du rythme, de la mise en scène de séquences d'action époustouflantes et ultra-réalistes, personnages romanesques à souhait, et j'en passe), mais en plus, tu en apprends plus sur le merdier afghan, le bordel des sociétés militaires privées et l'incroyable complexité de cette région du monde qu'en douze soirées Théma sur Arte. Attention, le côté thriller est loin d'être un prétexte à te balancer des chapitres copiés-collés depuis Wikipedia. Mais le fait est que tu as l'impression de mieux comprendre les enjeux de la "guerre contre la terreur" lancée depuis plus de 15 ans par les petits génies du Pentagone et qui n'en finit pas de ne jamais finir.

Si tu as lu Citoyens Clandestins il y a quelques années (ce que je te conseille très vivement de faire illico, parce que c'est très bon et assez nécessaire pour saisir tous les enjeux de Pukhtu) tu vas trouver quelques surprises, mais je n'en dis pas plus pour ne rien "divulgâcher" (comme on dit au Québec). C'est tissé de plusieurs intrigues plus ou moins entremélées, impliquant des héros à la trajectoire (et à la durée de vie) plus ou moins longue. Le roman est si foisonnant, avec tant de personnages que DOA a pris la précaution d'en faire un inventaire en annexe comme dans un roman russe.

Celui qui en est peut-être le principal, c'est Shere Khan, le Roi Lion, un chef de tribu charismatique auréolé de la gloire du héros moudjahidine de la guerre contre les Russes. Un contrebandier traditionnel, assez loin du conflit entre Talibans, Ricains et supplétifs locaux. Jusqu'au jour où sa fille adorée est tuée dans un bombardement de drone (dans une scène qui m'aurait tiré des larmes si je n'avais été, moi aussi, un guerrier afghan poilu et blindé). Dès lors, animé d'une soif de vengeance à la hauteur de la douleur contenue du bonhomme, Shere Khan devient le pire ennemi des responsables de sa perte. Voilà comment naissent les grands méchants des fables américaines. Rien que ce personnage justifierait un roman.

Mais il est loin d'être le seul. Mercenaires à moitié fondus, machines de guerres qui carburent à la dope et à l'adrénaline du combat, et accessoirement trafiquants, CIA et armée qui jouent les pucelles aux mains propres mais tirent les ficelles de ces officines douteuses, agents doubles ou triples de tous les côtés, gardes-frontières afghans corrompus et accessoirement trafiquants, journalistes courageux, barbouzes d'une kyrielle de bureaux plus ou moins concurrents, tribus en guerres intestines pour des questions d'intérêts ou d'honneur (le fameux pukhtu) héritées de deux cents générations ou datées de la veille... Bref, un foutu gloubiboulga absolument ingérable et insoluble.

Avec tout ça, chacun des personnages a une réelle profondeur, des secrets (ça oui, plein), une certaine complexité qui le rendent totalement crédible : on est loin du Blanc (les Occidentaux droit-de-la-femmiste et leurs gentils alliés) versus Noir (les affreux Talibans moyenâgeux à peine moins fréquentables que les troupes de Sauron). Chez DOA, comme, on penche à le croire, dans le vrai monde, on trouve surtout du gris. Où finalement la question religieuse compte bien moins que les questions d'honneur, de loyauté, de vengeance, ou que la bonne vieille avidité universelle et éternelle.

Faut-il le répéter ? Pukhtu est un véritable chef d'oeuvre de thriller intelligent.

26 mars 2017

Les Salauds Gentilhommes - Scott Lynch

Besoin d'évasion ?

SG

Eh ben oui, des fois on a juste envie de partir en voyage, loin du mooonde et de ses turpituuudes...

Dans ces moments-là, si on a un peu de chance, on tombe sur

Un peu de fantasy pour le plaisir

Je continue les récréations. J'avais besoin d'un machin addictif qui se lise facilement. Et de faire une petite pause polar. J'ai essayé Scott Lynch et Les salauds gentilshommes, le tome 1 : Les mensonges de Locke Lamora. Juste ce que je recherchais. Dans la belle ville de Camorr, comme dans beaucoup d'autres endroits, mieux vaut être...

http://actudunoir.wordpress.com

ça.

Et du coup, fiouu ! On plonge. Dans Les mensonges de Locke Lamora, pour commencer.

Et dans les eaux troubles (forcément) des canaux de Camorr, la cité-état aux airs de ville italienne de la Renaissance. Avec son Duc, sa noblesse, ses bourgeois... et ses truands. En bandes organisées, sous la coupe du Capa. Mais aussi ses Alchimistes et Magiciens...

Voilà pour l'univers, l'ambiance. Mélange réussi de fantasy, de cape et d'épée, et de pas mal d'humour.

Le héros, c'est Locke Lamora, petit malin membre de la bande des Salauds Gentilhommes, mixtures d'Arsène Lupin et de Scaramouche, véritables artistes de l'arnaque et des coups improbables. Bardé de ses comparses et sous la coupe d'un faux prêtre, il multiplie les escroqueries les plus audacieuses au mépris de toutes les lois, y compris celles de la pègre. D'où une série d'embrouilles qui menacent de tourner au vinaigre...

On suit en parallèle l'histoire de la jeunesse et de l'initiation de ce jeune prodige de la mistoufle.

On ne s'ennuie pas souvent, c'est assez palpitant, les personnages déploient un impressionnant éventail de jurons imagés, et on prend plaisir à se laisser un peu surprendre par les rebondissements et coups de théâtre.

Le second tome, Des horizons rouge sang, nous emmène sur les mers aux côtés de sacrés pirates (mâles et femelles).

Quant au troisième, où il est question de coups fourrés destinés à truquer des élections sur une île de super magiciens, j'avoue que j'ai un peu calé. Ca finit par lasser à force, ces surenchères de coups toujours plus tordus, et de billard à cinq ou six bandes (de voleurs). Et puis, de ce côté-là, on a ce qu'il faut dans le monde réel.

En conclusion : à consommer volontiers à condition d'éviter les doses trop fortes.

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